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« L'anthropologie citoyenne. Un regard sur nos motivations : vers une anthropologie responsable » : Présentation à l'UQAM

Cultural anthropology. Presentation by Abigaëlle Richard at the anthropology colloquium of the Université de Montréal on citizen anthropology.
Cultural anthropology. Presentation by Abigaëlle Richard at the anthropology colloquium of the Université de Montréal on citizen anthropology.

During my doctoral studies I participated in a colloquium of the anthropology department at l'Université de Montréal in 2006 (March 3rd). The general topic of the colloquium was about citizen anthropology. My presentation in French aimed at examining our motivations in social or cultural anthropology, for moving towards a responsible anthropology. Below is a basic English translation of the introductory text to this presentation.


« L'anthropologie citoyenne. Un regard sur nos motivations : vers une anthropologie responsable »


Présentation au colloque annuel du département d'anthropologie de l'Université de Montréal (3 mars 2006)


"Dans un premier temps, l'auteure présente brièvement le contexte de coopération internationale dans lequel elle a grandi et qui contribue inévitablement à sa réflexion et à sa position sur l'anthropologie citoyenne. Dans un deuxième temps, les motivations fondamentales des communautés étudiées et celles des chercheurs et collaborateurs seront questionnées, soulignant l'importance de cette prise de conscience. Troisièmement, l'auteur abordera la question de l'anthropologie engagée dans le contexte de son histoire et de la situation mondiale actuelle, en soulignant certains écueils qui peuvent en découler. Ensuite, la notion d'objectivité scientifique dans le contexte des sciences humaines sera explorée, à la fois comme outil de recul, mais aussi comme frein à une approche humanitaire. Enfin, l'auteur propose de soutenir une approche tripartite qui pourrait permettre à l'anthropologue d'occuper une position plus responsable en matière d'engagement social.


L'approche post-moderniste soutient que le contexte culturel et familial d'un individu peut influencer sa propre pensée. C'est dans cette perspective que l'auteur souhaite souligner, en tant que fille de travailleurs humanitaires internationaux (élevée au Pérou, au Tchad, au Cameroun et au Mexique dans les années 70 et 80), que ce regard de l'intérieur ne pouvait que les inciter à s'interroger sur les motivations qui conduisent à l'engagement social. Par ailleurs, si l'auteur est parfaitement conscient des différences inhérentes au travail coopératif et à la recherche anthropologique, il n'en demeure pas moins que la réalité tangible à laquelle tous deux sont confrontés (le terrain) n'est pas si différente. En effet, les communautés, avec lesquelles les anthropologues et les coopérants entrent en contact, sont confrontées à un grand nombre d'enjeux identitaires, territoriaux, politiques, sociaux et économiques, et ce, tant au niveau sociétal (le groupe en tant qu'entité), qu'au niveau individuel (les individus avec leurs positions relatives au sein de ces groupes). Mais qu'en est-il de celui qui vient s'y intégrer pour un temps, cet "outsider" (pour parler de l'anthropologue ou du coopérateur) au statut liminal ? N'est-il pas aux prises avec ses propres problèmes et ses motivations fondamentales (culturelles et personnelles) ? Les intentions d'aider, de décrire, de soutenir, de participer ne cachent-elles pas, dans certaines circonstances, des motivations plus personnelles : recherche de sa propre identité ; recherche de valorisation à travers ce statut privilégié qui est parfois attribué à "l'étranger" ; recherche de prestige à travers l'intervention dans des questions complexes ; recherche d'exotisme ; fuite de la réalité de sa propre communauté ; culpabilité occidentale face aux difficultés vécues par "l'autre", etc. Les motivations peuvent être multiples et sont rarement explicites, ce qui peut les rendre d'autant plus chargées d'affects. Sans une remise en question fondamentale de nos motivations personnelles, sommes-nous vraiment armés pour nous mesurer à la complexité des problématiques des autres (parfois mal comprises) ?


Le faisons-nous avec un recul scientifique ? Les causes politiques, sociales et identitaires sont à la base des revendications de communautés, mais aussi d'individus aux motivations diverses, ce qui rend ces questions immensément complexes et souvent même paradoxales. L'allié d'aujourd'hui peut devenir l'ennemi de demain. L'opprimé d'aujourd'hui peut parfois, après avoir obtenu une telle position de pouvoir revendiquée, en opprimer un autre comme il l'a lui-même été. Ce mouvement complexe, inhérent à la nature humaine, ne peut être saisi et prévu dans tout ce réseau de causes et d'effets. Prendre une position active sur ces questions, même si l'on pense en comprendre toutes les subtilités (ce qui est rarement le cas), c'est parfois tomber dans un piège que l'on aurait pu facilement prévoir et éviter. Si des communautés, des gouvernements et des individus peuvent s'approprier pour leurs propres intérêts les résultats de la recherche dite scientifiquement "objective et descriptive" des anthropologues, peut-on imaginer quelles implications peuvent avoir la recherche et les chercheurs qui, intentionnellement, s'impliquent et prennent position pour les causes des communautés qu'ils étudient ? Dans la situation actuelle de mondialisation globale, où l'homogénéisation des identités est à la base d'une recrudescence des revendications identitaires, l'anthropologue ne peut que devenir l'outil par excellence de la justification de ces revendications identitaires.


Si l'anthropologie est née dans un contexte de colonialisme et a même largement contribué à son développement, le fait de perpétuer une attitude d'implication, nous permet une fois de plus d'être l'instrument de demandes variées et changeantes, insaisissables et parfois même discutables. L'anthropologie perpétue ainsi ce rôle de marionnette animée par des communautés ou des Etats, au lieu d'essayer de transcender les alliances temporaires pour tendre vers une position plus réflexive. La démarche ou la méthode scientifique peut contribuer, mais en partie seulement, à ce repositionnement et à ce recul de l'anthropologue. En effet, si l'anthropologie a été un jour baptisée science, adoptant ainsi certains préceptes et méthodologies, c'est peut-être parce qu'une attitude scientifique, qui se veut objective, émotionnellement détachée de l'objet d'étude, a permis de s'éloigner des dangers de n'en faire qu'une implication sociale. Mais ce qui est paradoxal, c'est qu'au fil du temps, une attitude trop objective a fini par mettre mal à l'aise, déranger et/ou culpabiliser en partie ceux qui doivent "décrire, compiler et analyser". les sociétés humaines. L'anthropologue, qui se retrouve sur le terrain, ressent parfois cette impression gênante d'être un voyeur qui s'approprie des informations sans pouvoir les restituer à ceux qu'il étudie.


S'installe alors l'impression d'être devenu "l'intellectuel dans sa tour d'ivoire", qui s'approprie les informations dont il a besoin, ne s'implique pas plus que ce qui lui est dicté, s'en va une fois la recherche terminée. ou est rapatrié en situation de guerre. Il est possible que le fait de s'immiscer dans une communauté, avec pour seul objectif de la "décrire objectivement et de manière totalement détachée", soit une attitude qui, comme l'implication excessive, peut parfois conduire à des échecs ou laisser un goût amer. C'est à la lumière de cette réflexion que l'auteur tend à soutenir une position, face à l'implication sociale de l'anthropologue ou du coopérateur, qui s'intégrerait dans une démarche plus responsable. Dans un premier temps, un questionnement de fond sur les enjeux et les motivations personnelles du chercheur ou du coopérant permettrait d'éviter de s'impliquer inconsidérément dans les causes sociales d'autres communautés, en projetant ses propres enjeux personnels sur l'extérieur. Deuxièmement, une fois sur le terrain, le chercheur pourrait adopter une attitude de dévoilement des subtilités propres aux enjeux et points de vue (et implications émotionnelles) véhiculés au sein des communautés étudiées, ce qui permettrait de les saisir et de les expliquer (rôle de l'ethnographie) en tant que témoin sans prise de position.Cette attitude d'analyse, de compréhension et de dévoilement de questions complexes et paradoxales doit s'inscrire dans une prise de recul qui permet au chercheur ou au coopérant de conserver un statut préliminaire au sein de la communauté, en évitant le piège de la posture.


Troisièmement, une compréhension plus éclairée de ses enjeux personnels et des enjeux individuels et sociétaux de ceux qu'il étudie, ainsi que la préservation de son statut liminal, permettraient à l'"étranger" de pouvoir entretenir une relation mutuelle avec chacun des segments de la société qu'il étudie. De plus, si les différents segments de ces communautés sont en situation de conflit et ne parviennent pas à établir une communication mutuelle, l'"étranger" pourrait servir de terrain ou de zone neutre sur lequel ils pourraient s'exprimer (de manière indirecte) et permettrait de se réconcilier et de mieux s'appréhender. Une telle attitude permettrait de participer à un parcours réflexif sans se perdre dans des implications réactives. On pourrait parler ici d'une anthropologie responsable qui sait se refléter et faire refléter ceux avec qui elle entre en contact, comme un miroir et non un dogme ou une bannière. "


Par : Abigaëlle Richard (Doctorante en archéologie)


(2006, 3 mars) Anthropologie citoyenne. Un regard sur nos motivations : tendre vers une anthropologie responsable, présentation au colloque annuel du département d'anthropologie de l'Université de Montréal.


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